Françoise Rousselet

assistante sociale scolaire

 

Présentation d’une situation individuelle en collège :

comparaison de la méthode ISAP avec l’approche DPA

 Mon cadre d’intervention :

J’exerce le métier d’assistante de service social en collège et lycées. La mission de protection de l’enfance n’est pas la mission prioritaire du service social en faveur des élèves mais en tant qu’assistante de service social, nous y apportons notre contribution.

Mes missions sont de favoriser la réussite des élèves et d’intervenir dans la prévention de  l’échec scolaire, l’absentéisme, le décrochage, le soutien à la parentalité, l’éducation à la santé et la citoyenneté, l’amélioration du climat scolaire.

J’interviens auprès des élèves et/ou leurs parents en les recevant en entretiens individuels. Je réalise également  des interventions collectives en classe ou auprès de groupes.

Concernant l’approche individuelle, j’accueille, j’écoute, j’évalue, j’accompagne et éventuellement j’oriente les élèves et/ou leurs parents, selon une méthode à laquelle en tant qu’assistant de service social nous sommes formés (méthode ISAP).

J’ai choisi de vous présenter une situation que j’ai tenté d’aborder d’emblée avec l’approche DPA dès ma première rencontre avec l’élève et ses parents.

J’ai été alertée par le Conseiller Principal d’Education du collège. Sa demande: il vient nous confier, à l’infirmière et moi-même,  les faits suivants : Yanis, 11 ans, (en 6ème) est arrivé après le déjeuner au collège en pleurs. Il a raconté au C.P.E. que son père à la fin du repas s’est énervé et a lancé un couteau dans sa direction. Le couteau a atterri dans le mur et il a fait un trou.

Je ne connais ni l’élève ni ses parents. L’infirmière non plus. Je propose de recevoir l’élève puis ses parents.

1er scénario : méthode ISAP

Dans l’approche ISAP, il s’agit de recevoir en entretien individuel l’élève et ses parents le jour même.

Accueillir, écouter, évaluer, conseiller, soutenir, accompagner l’élève et ses parents, éventuellement orienter vers les autorités compétentes et/ou les services adaptés à la situation en fonction de la demande explicite/implicite.

  • Recueil des données liées à la situation, recherche des causes, élaboration de solutions adaptées :

Rechercher les causes de cette violence

Recueillir des données sur les conditions de vie, les relations intra familiales, l’histoire de la famille, l’histoire de l’élève, sa scolarité.

En l’occurrence, j’aurais été amenée à entendre comment chacun a vécu la scène et se positionne :

  • Le père désigné par son fils comme violent
  • Le fils désigné par son père comme coupable de dénoncer ces faits
  • Le fils qui prend à son compte cette culpabilité « c’est de ma faute si on en est là »
  • Mme désignée par Monsieur comme responsable de son énervement
  • Monsieur désigné par Mme comme addict à l’alcool et sa consommation d’alcool serait responsable de l’acte violent
  • Le frère et les deux sœurs de Yanis présentés à une place différente de Yanis (histoire du couple, relations avec leur père)
  • Analyse, formulation d’hypothèses sur les compétences, les souffrances et les carences identifiées
  • sur la place de Yanis dans la famille, sa souffrance,
  • l’alcoolisation du père et les raisons de sa violence
  • le maintien du couple parental après le divorce de M. et Mme
  • les compétences et divergences parentales
  • Elaboration de pistes pour éviter qu’un tel comportement se reproduise

Chacun.e désigne un autre qui serait responsable sur lequel il faudrait intervenir pour impulser un changement.

La mise en œuvre de la procédure nécessiterait alors la rédaction d’une IP ou d’un signalement judiciaire pour alerter les autorités compétentes et activer la mise en œuvre des dispositifs de prévention ou protection adaptés.

Donc à l’issue de ces entretiens, j’aurai pu/du :

  • Informer Mme et M. sur la procédure, évaluer leur adhésion à la démarche
  • Informer, orienter conseiller Mme et M. vers les lieux d’écoute, de consultation (service éducatif départemental, addictologie, psy, conseil conjugal)
  • Rédiger une IP ou un signalement selon la coopération des parents et la gravité du danger, en demandant une évaluation par les services sociaux et éducatifs de la situation familiale, prenant en considération l’ensemble de la fratrie à laquelle je n’ai pas accès dans mon champ d’intervention.

Posture de l’as :

  • sauveur de l’enfant
  • contrôle/parents puis sauveur/père et  sauveur/mère

Enfant symptôme ? Parents responsables ?

Et injonction à mettre en place un cadre protecteur ne compromettant pas les conditions d’éducation et de développement de l’enfant avec l’aide d’un tiers expert ?

Mes outils : méthodologie, connaissances, compétences

  • Techniques d’entretien : écoute, soutien, conseils, orientation
  • Connaissance du protocole, des dispositifs et des partenaires
  • Connaissances en psychologie de l’enfant, addictologie, violences conjugales
  • Compétences : relationnelles, analyse des carences et des compétences des acteurs, capacités rédactionnelles

 

2ème Scénario : approche DPA

Entretien de l’élève puis de ses parents

Le contexte

Le Conseiller Principal d’Education du collège vient nous confier à l’infirmière et moi-même  les faits suivants : Yanis 11 ans, (en 6ème) est arrivé au collège en pleurs. Il a raconté au C.P.E. que son père pendant le déjeuner s’est énervé et a lancé un couteau dans sa direction. Le couteau a atterri dans le mur et il a fait un trou.

Je ne connais ni l’élève ni ses parents. L’infirmière non plus. Je reçois l’élève puis ses parents :

1er entretien avec Yanis

A Yanis, je me présente en tant qu’as scolaire :

« Je reçois les élèves et leurs parents quand ils ont des problèmes pour lesquels je peux apporter une aide. Je travaille avec le C.P.E. et les autres adultes du collège et aussi avec d’autres professionnels en dehors du collège qui peuvent apporter leur aide. Je suis tenue au secret professionnel. Tu sais ce que cela veut dire ? » Il me répond. Il sait.

J’ajoute ceci : « Sauf quand j’apprends qu’il y a un danger qui nécessite que j’en parle à des professionnels pour demander qu’ils  protègent les personnes concernées »

« Pourquoi j’ai souhaité te recevoir : le CPE m’a dit qu’il était inquiet parce que tu es arrivé au collège en pleurs et que tu lui as confié un problème.

 Est-ce que tu veux bien me parler ?  Pour toi, quels sont tes problèmes ? »

Yanis me raconte spontanément :

« Mon père boit et je lui parle pas trop quand il a bu, il s’énerve. A midi, il a lancé un couteau, il a fait un trou dans le mur. Je lui ai dit « j’ai 12 de moyenne ». Il m’a répondu « ah tu as 12 de moyenne en jeu vidéo ! » Je lui ai dit « Au moins moi je travaille à l’école ! Je ne reste pas tout le temps sur les jeux vidéos »

« A chaque fois que mon père se dispute avec ma mère, il me regarde à moi. Quand ma mère s’énerve, il rigole et me regarde à moi. J’ai peur quand il me fait son regard méchant. »

Je reformule son problème concernant la violence de son père à son égard en lien selon lui avec l’alcoolisation de son père et les conflits entre ses parents. Il précise qu’il n’y a jamais eu de violence avant, juste une fois avec un couteau il y a un an.

Il ajoute : « Mes parents sont divorcés mais mon père vient manger à la maison midi et soir. Parfois il dort dans le canapé ».

Il parle ensuite de sa « mamie morte » : «  Ma mamie est morte. On était à Mac Do. Elle était dans l’église et elle est morte. Elle s’est évanouie pendant une heure. J’aimais beaucoup ma mamie. J’avais sept ans. Dès fois je pleure.

AXE 1 : Qui veut quel changement pour qui et pour quoi ?

Parmi les problèmes que Yanis évoque, je lui demande ce qui est important pour lui, ce qu’il aimerait changer ici et maintenant :

 « J’aimerais que mes parents soient vraiment séparés et qu’il n’y ait plus de dispute à la maison. J’aimerais que mon père me respecte un peu. Dès fois, il n’écoute pas, il rigole. »

Qu’est-ce qui empêche qu’ils soient séparés ?

« Ils ne sont plus mariés, il va chez lui de temps en temps. Mais mon père a le permis de conduire, il emmène ma mère faire les courses et elle a besoin de lui pour les courses et pour s’occuper de nous. Ma mère, elle n’a pas le permis. »

« Donc d’après toi, ce qui empêche que tes parents soient séparés, c’est parce que ta mère n’a pas le permis de conduire, elle a besoin de faire appel à ton père. Donc si elle avait le permis, ton père viendrait moins à la maison ? » Il acquiesce.

Il dit aussi qu’une de ses sœurs est proche de son père. « Ghania est plus proche de mon père que moi ». « Moi je suis plus proche de maman ». Yanis parle des relations agréables qu’il a avec sa mère, il se sent mieux quand son père n’est pas présent. Il dit qu’il a peur de son père, se sent visé systématiquement par la violence de son père. « J’ai peur que mon père aille en prison parce qu’il nous fait souffrir et qu’il est alcoolique. J’ai peur qu’on soient placés. »

En tant qu’as scolaire, je lui précise ce que je considère important et non négociable : la protection de l’enfance et le rôle des parents de protéger leurs enfants.

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